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Agroalimentaire français : enjeux de la montée en gamme

Publié le 5 octobre 2020

 

Alors que les attentes des consommateurs se complexifient et que la dégradation de l’état de la planète rend chaque jour plus urgente la transition alimentaire, les filières s’organisent pour permettre une montée en gamme de l’agroalimentaire français. Une mission rendue encore plus difficile et plus pressante par la crise sanitaire et économique actuelle. 

 

Pour faire le point sur ce sujet, nous nous appuierons – en partie – sur une conférence organisée jeudi 1er octobre dans le cadre de BIG 2020 : "Se nourrir sainement : dans les coulisses de la montée en gamme de l'Agroalimentaire français", animée par Laure Verdeau, Directrice Marketing et Soutien Commercial de l'Accompagnement chez BPIFrance. Y participaient : Antoine Chiron; Directeur filiale Moulins de Savoie et Responsable filières groupe Alpina Savoie ; Pierre Weill Président de Bleu- Blanc-Coeur ; Nathalie Kerhoas,  Directrice de Bleu-Blanc-Coeur et Maximilien Rouer, Cofondateur et  Directeur du Développement de La Note Globale.

 

Cet article n’est pas un compte-rendu de la conférence, mais s’attache, sans être exhaustif, à détacher les grandes idées que l’on peut ressortir sur les enjeux de la montée en gamme de l’agroalimentaire français.

 

Faire bouger les lignes de la qualité de l'alimentation

 

Qui dit « montée en gamme », suppose en général des exigences de qualité. Mais de quelle qualité parle-t-on ? Quels critères peuvent définir la qualité et quels impacts peuvent-ils avoir ? 

 

La qualité : une géométrie variable ?

La qualité d’un produit alimentaire ne se limite plus à la seule prise en compte de la valeur nutritionnelle ou du goût. En effet, la qualité est intimement liée aux modes de production, et de transformation d’un produit. En ce sens on peut établir un lien direct entre modes de production, santé végétale, animale et humaine. 

Depuis quelques années, plusieurs acteurs s’attachent à rendre compréhensibles et concrètes ces interactions auprès des consommateurs, dans le cadre de différentes démarches liées à la qualité.

 

La qualité de l’alimentation s’apprécie de manière systémique

Ainsi depuis 20 ans et dans une volonté de co-construction avec toutes les parties prenantes, Bleu-Blanc-Cœur met en exergue le lien entre les conditions d’élevage ou de production et les bénéfices santé du consommateur. Les poulets élaborés selon un cahier des charges Bleu-Blanc-Cœur, par exemple, ont un meilleur bénéfice nutritionnel pour l’homme, permettent de mettre en place des cultures vertueuses dé-carbonées, et apportent un meilleur revenu pour les producteurs. Les enjeux s’apprécient donc en termes de santé publique, mais aussi en termes environnementaux et économiques. La qualité finale du produit prend racine dans les pratiques des producteurs, ce qui permet clairement de connecter le produit, et l’alimentation en général, à la Terre et à un système. 

De même, depuis 1997, Alpina Savoie a mis en place une démarche d’amélioration continue, au départ autour d’une filière d’agriculture raisonnée. Une démarche Bio, sans utilisation de pesticide, même Bio, s’est depuis développée avec pour objectif de mesurer et maintenir la biodiversité dans les zones de culture de blé.

 

Une qualité « augmentée »

Il ressort donc de ses démarches une « qualité augmentée » qui prend en considération de manière systémique les interactions de notre alimentation avec de multiples facteurs plus ou moins identifiés ou valorisés par le consommateur. 

En faisant le lien entre les bénéfices directs attendus par les consommateurs et la gestion des impacts environnementaux et sociétaux des systèmes de productions, ces démarches de montée en gamme ont pour intérêt d’œuvrer dans le sens d’une transition alimentaire par la qualité. 

 

 

Répondre aux attentes multiples d’un consommateur angoissé en lui fournissant de nouveaux repères 

 

Les attentes du consommateur sont par ailleurs des outils de pilotage pour les producteurs et les IAA dans le cadre de leur propre implication dans la transition alimentaire. Mais ces attentes sont multiples, imbriquées les unes dans les autres et parfois génératrices d’angoisses, dans un monde en transition où de nombreux changements nous dépassent.

 

Les attentes multiples concernant les produits alimentaires

Naturalité, praticité, authenticité, goût, produits sains, produits nomades, livraison, producteurs justement rétribués, prix, Bio, produits locaux, faible impact environnemental, bien-être animal… Les attentes du consommateur sont complexes et multiples, plaçant l’alimentation à la croisée du nécessaire et du plaisir ; du produit et du service ; du personnel et du partage ; des valeurs et de la consommation…

Parfois schizophrène dans ses comportements, il lui arrive aussi de faire totalement le contraire de ce qu’il déclare, par manque de moyens, de temps ou de motivation.

 

L’angoisse de « L’Homnivore »

Dans un monde en transition, les traditions alimentaires qui apaisaient ses angoisses d’omnivore ont volé en éclat avec les nouveaux modes de vie et les nouveaux régimes alimentaires. Le « poulet-pommes de terre » familial du dimanche a été remplacé par un « brunch »… Le dîner guindé du samedi est devenu un apéro dinatoire-sushis. Hors confinement, cuisiner est devenu, pour une partie de la population, une corvée plus qu’un plaisir dans un espace-temps pluriel, envahi par le digital, de multiples sollicitations et l’ultra personnalisation.

Par ailleurs, le consommateur se voit de plus en plus défini et segmenté – voire jugé – selon ses comportements alimentaires : est-il omnivore, fléxitarien, végétarien, ovo-végétarien, pesco-végétarien, végane, paléo, crudivore, locavore ? Quelle angoisse !

Mais le consommateur sait aussi qu’il a le pouvoir de changer les choses, grâce aux réseaux sociaux et à sa façon de consommer.

 

Dans cette transition vers un nouveau monde, un autre enjeu de la montée en gamme de l’agroalimentaire est donc de pouvoir fournir de nouveaux repères rassurants au consommateur tout en  répondant à ses attentes. 

 

 

Simplifier la vie du consommateur en lui apportant de la transparence et une aide à la décision

 

Pour agréger les attentes du consommateur, répondre aux enjeux environnementaux et sociétaux et rendre cette information accessible, de nombreux outils digitaux, labels et notations existent.  

 

Un foisonnement de labels et d’appli « partiels »

Il existerait 140 à 160 labels divers et variés, publics ou « maison » valorisant telle ou telle démarche répondant à telle ou telle attente du consommateur que ce soit concernant l’origine, la qualité, les procédés de production, l’impact environnemental, la rémunération des producteurs, le bien-être animal, les allégations santé des produits… 

Aux labels s’ajoutent les applications du type Yuka ou le Nutriscore qui permettent au consommateur de voir si le produit est bon pour sa santé ou pas. Ces derniers ont un intérêt certains en termes de nutrition mais offrent une vision partielle du produit en ne considérant pas les critères environnementaux ou de rémunération par exemple. De plus ils peuvent stigmatiser certains produits : par exemple le beurre est assurément un produit gras… même si tous les beurres n’ont pas exactement les mêmes qualités nutritionnelles !

 

La Note Globale : une évaluation qui prend en compte tous les critères

Dans ce contexte, La Note Globale a pour objectif de simplifier la vie du consommateur en évaluant le produit sur la base d’un cahier des charges global agrégeant plusieurs éléments.

Chaque produit est noté de 1 à 100 sur son emballage et/ou des supports digitaux (appli, site web). 

La notation prend en compte tous les sujets qui comptent pour le consommateur, à savoir : le bien-être animal – l’environnement – la nutrition et la santé humaine – la traçabilité et la transparence – l’origine, l’équité et la contribution à l’économie française – la Responsabilité Sociale de l’entreprise. Le consommateur peut se repérer via des codes couleur et identifier le détail de la note en fonction des critères qui sont le plus importants pour lui.

La démarche est un révélateur de l’invisible via un outil accessible alors que tous les changements actuels nous transcendent.

 

Autres preuves de l’interdépendance des critères, ces initiatives sont à l’inverse de vrais outils de pilotage pour le consommateur en lui permettant d’arbitrer son choix entre plusieurs produits. Il lui revient au final le choix du goût et des qualités organoleptiques du produits qu’il achète, qui sont finalement les seuls éléments perceptibles directement.

 

 

Revaloriser le travail des entreprises agroalimentaires et restaurer l’image des filières

 

Pour finir, voyons comment la mise à disposition auprès des consommateurs des informations liées à la qualité globale des produits peut être un outil contribuant à la transition alimentaire.

 

Apporter de l’information aux consommateurs et restaurer l’image des producteurs et IAA

En apportant de l’information et de la transparence sur les produits, les modes de production, les démarches liées à la qualité telles que La Note Globale ou Bleu-Blanc-Cœur permettent aux citoyens d’appréhender concrètement le travail des producteurs et industries agroalimentaires. 

Et en la matière, « mieux vaut scoring que bashing ».  D’abord, parce que la note est objective, construite sur un même cahier des charges. Ensuite parce que cela permet au producteur de parler en son nom, plutôt que de laisser parler les autres à sa place et de nouer une relation avec le consommateur. Enfin, parce qu’une note est perfectible et qu’une démarche qualité est une démarche d’amélioration continue. 

 

Inviter le consommateur à consommer mieux grâce à un outil de comparaison

En apportant de la transparence et en permettant au consommateur de comparer les caractéristiques des produits alimentaires et agroalimentaires, on lui permet de s’engager dans son acte d’achat.

On pourrait comparer la démarche à un nudge permetttant d’accélérer la transition alimentaire poussant peu à peu le consommateur vers un comportement d’achat vertueux. Il est ainsi amené à rebattre les cartes de sa manière de consommer en passant outre les biais cognitifs de l’habitude, de la marque, du packaging sympa, de la tête de gondole, ou du prix systématiquement le plus bas. L’effort de s’extraire du « pilotage automatique » est à la fois facilité par un système de notation compréhensible ; et potentiellement récompensé par un bénéfice global plus important. 

 

Faire consentir le consommateur à payer plus en échange d’une meilleure qualité globale

Au final, les différentes démarches permettent donc d’obtenir le consentement du consommateur à payer plus cher des produits de meilleure qualité.  Et la marge, c’est aussi le nerf de la guerre pour les industries agroalimentaires, souvent mises sous pression par les distributeurs, une situation dénoncée dans les Etats Généraux de l’Alimentation. Des prix plus élevés pour les producteurs et industriels avec une meilleure répartition de la valeur, c’est la possibilité donnée aux producteurs et IAA  de se développer, de renouveler leurs appareils de production, d’innover, d’exporter, d’embaucher …bref, là encore, un cercle vertueux.

 

Le prix des produits alimentaires vu comme un investissement

Considérer sa dépense alimentaire comme un investissement de long terme dans sa propre santé et dans le bien commun est sans doute un des leviers les plus puissants pour soutenir la transition alimentaire. En effet, accepter de payer plus cher pour de la qualité globale, c’est accepter de changer un système qui valorise encore parfois uniquement les prix bas dans une société où la part du budget des ménages consacrée à l’alimentation est passée de 35% dans les années 1960, à environ 14 % aujourd’hui (Crédoc). Accepter de payer plus pour de la qualité, c’est investir dans sa santé, celle de la planète et dans un système vertueux et gratifiant pour les producteurs et les IAA.  

Mais ce qui semble une évidence se heurte toutefois au court termisme forcé. Avec la crise sanitaire et économique, de nombreuses personnes n’ont tout simplement pas les moyens de se nourrir et s’inscrivent à l’aide alimentaire. Aussi, peut-on aussi s’interroger sur les manières de rendre la transition alimentaire plus inclusive d’un point de vue financier, mais c’est un autre sujet…

 

 

Image par klimkin de Pixabay 

Christelle Thouvenin pour Wonderfoodjob

 

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